Lorsque l’épuisement vient toquer à notre porte avec Sylvie Portas

 

 

Parfois, nous pouvons être confrontés à un épuisement physique mais aussi psychique, sans même nous en rendre compte.

D’où l’importance d’être à l’écoute de son corps et des signaux qu’il peut nous envoyer pour prendre soin de soi.

Pour en parler eu le plaisir de recevoir Sylvie Portas, Consultante-Formatrice en développement des compétences, praticienne en psychopédagogie et en intégration des réflexes primitifs. Elle a également exercé les fonctions de Directrice de ressources humaines qui l’ont sensibilisée aux risques psycho-sociaux.

Aujourd’hui, elle accompagne notamment des personnes en situation de burn out ou qui ont vécu un burn out. C’est à travers ses différentes casquettes que Sylvie contribue à créer des possibles.

 

Si tu devais choisir un mot pour te définir, ce serait lequel ?

L’OPTIMISME. Selon moi, être optimiste, c’est notamment accueillir le bonheur dans les petits et grands moments de son quotidien, y compris les émotions et expériences inconfortables, même si ce n’est pas toujours simple, en y voyant l’opportunité d’apprendre et de grandir.

 

Avant de rentrer dans le vif de sujet, le burn out, est-ce un effet de mode ou une réalité que nous n’avons pas toujours envie de voir ?

Question que l’on me pose régulièrement notamment sur d’autres sujets tels que la haute sensibilité, le haut potentiel, les troubles des apprentissages, les approches et techniques de développement…

Nombreux sujets pourraient être considérés à la « mode » tout simplement parce qu’on on en parle ! Derrière le mot « à la mode », je trouve qu’il y a souvent une vision péjorative des choses, comme si cela n’était pas sérieux ou réel.

Et pourtant cela existe bel et bien !

Depuis plusieurs années, nous entendons parler du burn out professionnel. Il y a aussi, de plus en plus, le burn out parental et le burn out chez les enfants et adolescents.

Si nous en parlons, c’est parce qu’il s’agit bien d’une réalité que nous n’avons pas toujours envie de voir.

Pour ma part, au lieu de parler d’un effet de mode et de faire un raccourci de pensée du type « Ce sujet n’a pas de valeur » ou « Il n’est pas sérieux », je préfère porter mon attention sur les effets qui apparaissent du fait que nous en parlons plus qu’auparavant.

Par exemple, quels sont les bienfaits qu’apporte le fait de parler plus souvent du burn-out?

Cela permet d’être sensibilisé(e), de le détecter et de l’accompagner au mieux.

Toutefois, pour garder du discernement face aux situations, nous pouvons aussi nous  interroger sur les éventuels risques d’entendre parler de burn out, à savoir l’effet barnum qui constitue un de nos biais cognitifs pouvant nous pousser à accepter n’importe quelle description comme étant la sienne et donc à se reconnaitre dans cette description. Et là, le risque est de conclure que nous sommes en train de vivre un burn out, au risque de ne pas détecter le réel besoin et par conséquent de ne pas mobiliser l’aide la plus adaptée.

Le burn out peut être confondu avec la dépression ou les épisodes de stress.

Dans le cadre de mes expériences professionnelles passées et actuelles, ainsi que ma propre expérience personnelle, cette réalité du burn out existe bel et bien !

Nous en parlons plus mais pour autant tout le monde ne fait pas ou ne fera pas de burn out. Il n’existe pas d’échelle officielle pour mesurer le burn out chez les salariés mais plusieurs études ont permis de dresser un premier bilan chiffré selon lequel le taux de burn out sévère aurait été multiplié par deux en un an. Il concerne désormais 2 millions de salariés.  Le burn out parental et chez les enfants aurait également augmenté, sans doute en partie en raison de la crise sanitaire.

Mais même sans chiffres, nous voyons bien que le contexte et les changements sociétaux, tant dans le domaine personnel que professionnel, ont transformé notre façon de vivre et notre rapport au temps. Il y a une sur-stimulation palpable et une sur-adaptation qui ne sont pas sans effets.

 

On dit souvent que le burn out se produit insidieusement. Comment se manifeste-t-il dans notre corps ?

Le burn-out n’émerge pas du jour au lendemain !

Notre mental pourrait avoir tendance à passer à côté, en se mettant en mode « survie » ou « pilotage automatique ».

Notre corps va alors se manifester par sa précieuse sagesse, en nous envoyant les signaux pour nous prévenir, nous réveiller, nous dire… Il envoie de nombreuses informations sensorielles à notre cerveau.

Littéralement, « burn out » se traduit par «se consumer», comme une bougie qui brûle petit à petit jusqu’à s’éteindre.

Malgré le fait que nous parlons du burn out depuis plus de 40 ans, il est encore mal défini. Il y a des désaccords, des questionnements. La Haute Autorité de santé évoque qu’il ne s’agit pas d’une maladie, mais d’un syndrome qui regroupe un ensemble de symptômes caractéristiques d’une maladie ou d’un état clinique différent de la norme.

Il s’agit d’un épuisement physique, émotionnel et mental qui résulte d’un investissement prolongé dans des situations exigeantes. Une notion de confrontation à un stress intense et prolongé.

 

Alors comment notre corps nous prévient-il ?

Grâce aux réactions physiques comme une grande fatigue, des migraines, des nausées, des douleurs, des tensions, des raideurs, des troubles du sommeil, des troubles alimentaires, des addictions, mais également de l’anxiété.

En fait les M.A.U.X invitent à poser des MOTS. Leur présence peut être quasi quotidienne. Nos émotions cumulées (telles que la colère, le chagrin, le dégoût, la peur, la honte,…), qui ont été contenues notamment, en évitant de les écouter, de les identifier ou de les exprimer, peuvent émerger avec une intensité si forte qu’elles nous dépassent. C’est à ce moment-là où nous pouvons arriver au stade de l’épuisement.

Il convient de rappeler que les émotions sont des réactions physiques, neurobiologiques et qu’elles viennent nous informer d’un besoin non entendu, d’un besoin à prendre en charge, grâce aux sensations corporelles qui nous traversent.

Toutefois, nous pouvons être en contact avec des signes physiques précités,  sans pour autant faire un burn out. Nous rencontrons tous des périodes de fatigue. Dans l’épuisement, il y a une notion de durée et d’intensité.

Il n’est pas rare que les personnes hautement sensibles ou avec certains profils dits atypiques soient plus fortement concernées.

Tout le monde ne fait pas de burn out, même si le rythme de nos sociétés actuelles n’aide pas.

 

Est-il possible de vivre un épuisement physique et psychique, sans s’en rendre compte ?

Je dirais que oui…notre mental est fort pour nous permettre de nous sur-adapter.

Notre système nerveux peut se mettre en mode « attaque », « fuite » pour faire face au stress… mais jusqu’à ce que le corps nous rappelle à l’ordre et dise STOP !

Nous pourrions faire le parallèle avec une machine. Une machine peut fonctionner à plein régime tout le temps, montrer des signes d’usure et pourtant elle peut continuer à fonctionner jusqu’au moment où la panne arrive et qu’il y a impossibilité de relancer la machine.

En tant qu’humain nous avons des facultés d’adaptation (variables d’une personne à une autre) et nous pouvons fonctionner avec des douleurs, du stress, des conditions inconfortables voire très difficiles.

Toutefois, lorsque ces  douleurs, ce stress, ces conditions perdurent et que nous ne disposons pas d’espace pour nous poser, nous reposer, nous ressourcer, nous ré-énergiser, transformer des choses qui devraient l’être, notre corps et notre cerveau vont finir par dire STOP à ce sur-régime, qui n’est pas écologique pour nous.

 

Selon toi, quelles sont les croyances qui peuvent se cacher derrière un burn out et nous empêcher de nous arrêter à temps ?

« Sois-Fort », « Sois-Parfait », « Fais plaisir », « Dépêche-toi », « Fais des efforts ». En analyse transactionnelle, il s’agit de messages contraignants qui peuvent conditionner nos comportements depuis l’enfance, sans prise de conscience de leur présence. Ils sont dénommés les « drivers ».

En d’autres termes, ce sont des pilotes !

  • « Sois-fort » :

Nous pouvons avoir entendu des discours tels que « Il faut être courageux », « Ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort », « Un garçon ne pleure pas » etc. Nous apprenons alors à ne pas montrer nos émotions, à nous débrouiller seul et avons des difficultés à montrer notre vulnérabilité. Il peut néanmoins y avoir des bénéfices à cela, comme résister à la pression et être doué(e) pour trouver des solutions.

  • « Sois parfait » :

Nous pouvons avoir entendu des discours tels que « Tu peux mieux faire », « C’est pas mal mais je m’attendais à mieux » etc. Nous pouvons basculer dans le perfectionnisme, l’exigence, l’insatisfaction, la peur du jugement et le besoin de contrôle. Là encore, il peut y avoir des bénéfices comme une capacité de travail non négligeable ou des réalisations de qualité.

  • « Fais plaisir »

Nous pouvons avoir entendu des discours tels que « Oh tu me fais de la peine », « Ne sois pas égoïste », « Sois gentil » etc.  Cela peut générer de la peur de décevoir, amener à rechercher l’approbation, ne pas savoir dire non et se sentir envahi par les autres. Il peut y avoir aussi des bénéfices, sans nul doute l’empathie et l’altruisme.

  • « Dépêche-toi »

Nous pouvons avoir entendu des « Tu es trop lent », « Arrête de trainer » etc. Cela peut inviter à nous mettre beaucoup de pression pour en faire toujours plus ou à prendre en charge des choses au-delà de nos limites. Dans les bénéfices, une exécution rapide des choses, une mise en mouvement et réactivité pouvant être appréciées.

  • « Fais des effort ».

Nous pouvons avoir entendu des « A vaincre sans effort on triomphe sans gloire », « Donne-toi du mal », « On a rien sans rien », « Sans souffrance il n’y a rien ! » etc. Parmi les difficultés repérables, il peut y avoir une tendance à compliquer les choses, la peur de la critique, la croyance qu’il faut nécessairement souffrir pour réussir ou que cela doit être dur. Il peut y avoir des bénéfices come la persévérance et la patience.

 

Par quelles étapes doit-on nécessairement passer pour sortir d’un burn-out et se reconstruire ? 

Toute histoire et expérience sont singulières et propres à chacune et chacun d’entre nous. Toutefois, je retrouve régulièrement les besoins suivants :

 

  • Une première étape, avec le besoin de FAIRE STOP pour se soigner !

J’utilise volontairement le terme de soin car les conséquences peuvent être plus ou moins importantes physiquement et psychiquement, selon le stade d’épuisement. Il s’agit d’une étape pouvant être douloureuse et difficile à accepter, dans la mesure où elle nous confronte à une grande vulnérabilité et qu’elle est souvent plus longue que nous le pensons.

Cette période, qui peut durer de nombreux mois, est indispensable pour soigner les divers maux et pour retrouver de l’énergie, de l’élan,  de la reconnexion à soi et aux autres. Il me semble primordial d’être accueilli(e) et accompagné(e) avec grande bienveillance, par des professionnels de santé, des professionnels de l’accompagnement sensibles à ce sujet ainsi que par son entourage.

Une étape où le FAIRE doit laisser place à l’ÊTRE.

A ce moment-là, nous ne sommes pas sur des longs moments d’analyse de la situation mais de la prise en charge des besoins de base, à savoir les besoins physiologiques (sommeil, alimentation, activité physique).

 

  • Une deuxième étape, avec le besoin de SE REMETTRE EN MOUVEMENT pas à pas.

Une personne en burn out rebascule dans un système de réflexe de paralysie par la peur – réflexe de protection qui éteint le système nerveux.

C’est une autre forme de réponse que celle de l’attaque ou de la fuite que j’ai pu aborder précédemment. Se remettre en mouvement va donc demander du temps.

Lorsque l’élan de se remettre en mouvement revient, la question qui arrive à ce moment-là : « Qu’est ce je vais faire maintenant ? ». C’est une étape encore très inconfortable.

Après être sorti(e) des réflexes de sécurité empêchant une quelconque réflexion sur le après, il arrive ce temps où nous prenons conscience de ce qui est et de ce qui doit changer, car oui des choses doivent forcément changer. Un burn out invite au changement !

Dans cette étape,  il va être nécessaire d’explorer le pourquoi, le quoi et le comment.

L’aide de professionnels peut également être précieuse, voire indispensable, durant cette étape, dont les besoins de regagner en estime et en confiance en soi sont souvent nécessaires.

 

  • Une troisième étape, avec le besoin de REINVESTIR UN PROJET suffisamment sécure et faisant sens.

Parfois, cette étape passe par un retour au travail, s’il s’agissait d’un burn out lié au travail mais avec l’intégration de changements prenant en compte ce qui a peut-être contribué au burn out. Parfois cela passe par le lancement d’un nouveau projet, pas à pas.

Et là aussi, cette période est délicate mais indispensable pour regagner en estime et en confiance en soi et ainsi créer de nouveaux possibles.

 

En quoi le burn out pourrait-il être une opportunité de s’ouvrir aux champs des possibles ?

Sans minimiser la douleur qui est vécue lorsque nous traversons un burn out, je perçois aujourd’hui le burn-out comme une opportunité. C’est certain ! Alors en quoi ?

J’ose parler là de ma propre expérience. Il y a quatre ans, j’ai vécu un burn out. Cette expérience a été d’une grande importance dans mon parcours de vie, tant pour les apprentissages apportés que  pour les possibles qui se sont créés par la suite !

Alors oui, si nous pouvons éviter d’en arriver là, c’est mieux, c’est pour cela que j’ai à cœur d’accompagner enfants et adultes dans une dimension préventive, mais pourtant c’est parce que j’en suis arrivée là que j’ai pu ouvrir d’autres portes dans la connaissance de moi, dans la reconnexion à qui je suis, dans les choix réalisés pour continuer mon chemin professionnel et dans mon chemin de vie.

Le burn out peut donc devenir une opportunité de s’ouvrir aux champs des possibles, à condition que nous fassions le choix, une fois nos ressources retrouvées, d’entendre ce que ce burn out vient nous dire, d’agir en conscience et de prendre sa part de responsabilité pour créer ces nouveaux possibles.

 

Quel serait ton mot de la fin pour clôturer notre échange ?

Je préfère terminer avec  une citation de Carl Gustav Jung, qui me semble appropriée par rapport à notre thème, selon laquelle : « Les crises, les bouleversements et la maladie ne surgissent pas par hasard. Ils nous servent d’indicateurs pour rectifier une trajectoire, explorer de nouvelles orientations, expérimenter un autre chemin de vie. » 

Vous pouvez retrouver Sylvie Portas :

 

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